Présence de la mort


Prélude et fin

cie LaScam


Proposition: Valério Scamuffa
Création et jeu: Olga Onrubia, Barbara Schlittler et Valerio Scamuffa
Participation: Éric Périat et Pierre-André Grognuz
Scénographie et costumes: Sarah André et Scilla Ilardo
Création lumières: Nidea Henriques
Son: Dragos Tara
Administration et production: Cristina Martinoni et Marie-Charlotte Winterhalter




Lorsque le public entre, la salle est plongée dans une lumière douce. Dehors, il fait encore jour. Des longs rideaux de velours noir ont été tirés pour masquer la lumière extérieure. Les gradins ont été dissimulés. À la place, un cercle de chaises recouvertes de tissus bariolés est disposé sur la scène, avec au pied de nombreux coussins tout aussi colorés. Valerio Scamuffa et Olga Onrubia, les deux interprètes de la soirée, sont déjà présent.es. Valerio joue à la guitare une pièce écrite par un compositeur dont le nom m'échappe, et qui serait l'auteur de nombreux préludes. Un prélude, rappelle Valerio, c'est l'introduction d'une pièce musicale. C'est un genre qui n'a pas de forme figée et qui, à l'origine, servait à tester l'accord d'un instrument. Avec le temps, le prélude a évolué jusqu'à devenir une forme indépendante, existant pour elle-même, telle que l'a pratiquée Chopin avec ses 24 préludes, puis plus tard Rachmaninov lorsqu'il lui répondra avec son propre corpus de 24 préludes. Ainsi, dans ce contexte, le prélude n'est plus à proprement parler une introduction, mais bien une œuvre à part entière, d'une durée courte, et dont la forme est finalement variable, que ce soit dans sa tonalité ou sa rythmique. 

En ce sens, le spectacle de la compagnie LaScam opère d'une façon similaire: telle une suite de courts préludes, la proposition scénique de Valerio Scamuffa, Olga Onrubia et Barbara Schlittler se déroule en une construction dramaturgique fine, à la fois légère et hybride, allant du récit d'enfance à la mémoire antique, en passant par le discours structuré (et structurant) d'un praticien de la Gestalt-thérapie. Car, en effet, les trois interprètes ne sont pas seul.es sur le plateau: nous sont présentés, en amont du spectacle (ou devrais-je dire en prélude?), Éric Périat et Pierre-André Grognuz, deux thérapeutes. Le premier est formé en Gestalt-thérapie donc, et le deuxième en hypnothérapie. La question de l'hypnothérapie est centrale dans Prélude et fin car, comme nous l'expliquent Valerio et Olga en introduction, non seulement une partie du spectacle a été conçue et écrite en état d'hypnose, mais une partie de la représentation se déroulera également dans cet état, sous la direction de Pierre-André Grognuz.

L'hypnose, de par l'histoire de sa représentation dans une certaine littérature, ou dans un certain genre cinématographique, a longtemps été sujette à des rumeurs spectaculaires. Que ce soit chez Feydeau (Dormez, je le veux), chez Per Olov Enquist (Le cinquième hiver du magnétiseur), ou dans des films comme Dracula de Todd Browning, Le livre de la jungle de Wolfgang Reitherman, ou plus récemment Get out de Jordan Peele, l'hypnose est souvent représentée comme un moyen de persuasion ou de manipulation des autres (on la retrouve même dans la Genèse, lorsque Dieu endort Adam pour lui ôter une de ses côtes).

Si l'hypnose de spectacle est une réalité, comme en attestent les nombreux shows à l'américaine que nous voyons passer parfois dans la région, il faut bien la différencier de l'hypnose thérapeutique, aux objectifs tout autre. L'hypnose de spectacle, comme son nom l'indique, est une forme d'hypnose spectaculaire dont la finalité n'est autre que l'étonnement craintif qu'elle suscite. Il s'agit, en gros, d'en mettre plein la vue au public. Ce qui ne veut pas nécessairement dire que l'hypnose de spectacle est une supercherie. 
Il existe des moyens techniques et concrets, notamment à travers l'écoute du rythme cardiaque des volontaires sur scène, pour induire un état d'hypnose chez une personne, et ceci même devant un public (qu'il soit nombreux ou pas). Il est important de noter que, comme me l'a justement expliqué une amie hypnothérapeute, l'état d'hypnose recherché ici n'est justement pas empêché par la présence d'un public nombreux. Au contraire, il la favorise. Car c'est dans cet état de stress, sur une scène, et dans une position de relative vulnérabilité, que notre cerveau est en quelque sorte prédisposé à être "manipulé". Il s'agit d'une manipulation sommaire car, malgré toutes les craintes et les folles rumeurs, un hypnotiseur, aussi doué qu'il puisse être, ne serait pas capable de manipuler une personne sous hypnose afin de lui faire commettre un meurtre. Si vous aviez encore des doutes à ce sujet, vous voilà rassuré.es.

Dans Prélude et fin, nous sommes plutôt face à de l'hypnose thérapeutique, même si le fait que nous sommes au théâtre, et qu'un public est présent, brouille quelque peu les pistes entre le thérapeutique et le spectaculaire. De plus, il existe plusieurs courants d'hypnose thérapeutique, et tous ces courants n'ont pas le même type d'encadrement. L'hypnose que pratique Pierre-André sur scène est, de ce que j'ai pu constater, une hypnose assez directe et directive. Les sujets (ici Valerio et Olga) sont rapidement plongés dans un état d'hypnose. Nous sommes dans un contexte qui diffère de celui de l'hypnose ericksonienne, dont l'approche suggestive, plus indirecte, utilise des outils qui ouvrent la voie au patient vers un état de transe, plutôt que de les y plonger directement. Dave Elman, fondateur de l'approche hypnothérapeutique à laquelle se réfère Pierre-André, était d'ailleurs connu pour son approche rapide et directive, cherchant à mener le patient vers une guérison efficace. Si je précise tout cela, ce n'est pas pour préconiser une école d'hypnothérapie plutôt qu'une autre (même si ma propre sensibilité me pousse davantage vers le travail de Milton Erickson), mais bien pour noter que, lorsqu'on parle d'hypnothérapie, on n'a encore pas dit grand chose tant qu'on n'a pas précisé dans quel mouvement nous nous situons. Mais disons encore deux mots sur l'état d'hypnose, ou plus spécifiquement, l'état de transe dans lequel nous plonge l'hypnose.

La transe est un état modifié de la conscience (modifiée par rapport à un état habituel, quotidien). Il existe plusieurs formes de transes et plusieurs chemins pour y parvenir. On peut ainsi entrer dans un tel état sans nécessairement passer par un hypnothérapeute (même si le passage par un hypnothérapeute s'explique justement par un désir thérapeutique). Fréquemment, des artistes de la scène ont justement évoqué des sensations sur scène qui découleraient d'un passage vers un tel état, se sentant placé.es dans une relation de pleine conscience avec le dehors et le dedans. Par exemple, en octobre dernier, lors d'un entretien avec le New York Times, le célèbre acteur de théâtre allemand Lars Eidinger évoquait en ces termes les sensations qui le traversent lorsqu'il interprète le rôle d'Hamlet:

Some actors describe acting like being a tunnel, but it’s the complete opposite for me: I’m aware of everything. I’m standing onstage, maybe I’m emotional and crying real tears, but at the same time I see the person in the first row taking candy out of his pocket and eating it. I can think about bringing my daughter to school. It doesn’t distract me: It makes it more complex.


Ainsi, plongé.es dans un état de transe, sous la direction de l'hypnothérapeute Pierre-André, Valerio et Olga commencent à restituer des récits de leur passé. Certains de ces souvenirs reconstitués semblent provenir de leur enfance. D'autres, plus flous, semblent provenir d'une époque moins lointaine. Cette séance sous hypnose se poursuit avec un passage musical durant lequel Valerio joue à la guitare, le dos appuyé à Olga. Puis, Pierre-André les tire de leur état de transe et le spectacle s'ouvre sur un moment de partage de paroles avec le public, encadré par Éric Périat. 
Je ne connais pas la Gestalt-thérapie, et le peu que j'en connais n'est pas très clair pour moi (ce qui, je dois dire, me la rend un peu douteuse). Je sens donc, à ce moment du spectacle, que quelque chose semble m'échapper, comme si je n'arrivais plus très bien à situer dans quoi s'inscrit cette partie de la démarche. Une partie du public prend le temps de s'exprimer librement par rapport à ce qu'il s'est passé jusqu'à cet instant. Certaines personnes prennent alors la liberté de changer de place, de s'installer plus confortablement. Puis, une spectatrice exprime le désir de voir plus souvent des propositions scéniques comme celle-ci, qui entremêlent la thérapie à l'art. Je sens que je tique intérieurement à cette remarque. Et ceci, je crois, pour deux raisons: premièrement, je crois que l'art et la thérapie ne peuvent pas réellement se mélanger. Non pas qu'ils ne devraient pas le faire, mais plutôt leur nature est si différente qu'il est impossible, selon moi, qu'un tel mélange opère. Un peu comme l'huile et l'eau qui ne se mélangent pas. L'art-thérapie, par exemple, est essentiellement une forme de thérapie. Sa finalité est principalement d'ordre thérapeutique, et non artistique. L'art n'y est qu'un outil comme un autre pour aller mieux. Je ne dis pas que l'art ne peut pas servir à se sentir mieux, ou qu'il ne puisse exister que dans la douleur, bien au contraire même (David Lynch disait d'ailleurs dans un entretien avec le WSJ Magazine qu'il était persuadé que Van Vogh peignait dans la joie). Ce que je veux dire, c'est que l'art est d'une nature fragile, volatile, et que cette nature a vite fait de se faire supplanter par une autre plus imposante et plus volontariste. En somme, l'art n'est pas quelque chose, à mes yeux, sur lequel on peut projeter une intention qui n'appartienne pas à son domaine d'expertise. Bref, je dirais, pour conclure cette digression, que l'art n'est simplement pas le lieu du consensus. Ce qui expliquerait, à mon avis, pourquoi il se mélange également si mal avec le militantisme. Mais j'y reviendrai une autre fois.

Cette parenthèse gestalt-thérapeutique étant fermée, les deux interprètes retournent dans le cercle. Olga raconte alors le récit d'une profession qu'elle pratique depuis un certain temps en Espagne, son pays d'origine: elle y organise parfois des cérémonies funéraires pour les familles. Elle nous annonce ensuite qu'elle va rejouer devant nous une discussion qu'elle a eu au téléphone avec un membres d'une famille endeuillée, dans le but de préparer une telle cérémonie. À la périphérie du cercle, Barbara Schlittler continue sa déambulation, ponctuant parfois ses passages de textes qui traitent de la marche. En début de spectacle, il avait été mentionné que personne présente sur scène incarnait une figure connue des tragédies grecques antiques : le coryphée, le devin à la Tirésias, etc. Cette aspect-là du spectacle, je dois dire, m'est restée inaccessible, obscure. Je m'en rends compte vers la fin, alors que Valerio termine de traverser la scène les yeux bandés, dans un état de transe qui m'apparaît alors encore plus profond que lors de la scène d'hypnose à proprement dite. Puis, les interprètes s'écartent, les lumières baissent et un enregistrement est lancé: il s'agit d'un extrait d'un entretien entre Valerio et son thérapeute. Il y parle de sa peur de la mort. C'est vers ce final que converge, avec délicatesse, le sens profond du spectacle. La fin du spectacle est la fin du titre, qui est également la fin d'une vie. Nous sommes donc en présence d'une réflexion sur la mort, angoisse qui nous préoccupe tous et toutes depuis des millénaires, et qui a resurgi de façon exponentielle, soudaine et brutale en Europe lors de l'arrivée du COVID-19. La parole de Valerio se transforme alors en un long rire irrésistible. Et c'est sur ce rire que, peu à peu, l'obscurité se fait.

Lorsque je ressors du théâtre du Grütli, il fait encore jour (nous sommes tout proche du solstice d'été) et je repars avec l'impression que de nombreuses questions me restent encore en suspens. Des questions, et aussi, je dois dire, une certaine gêne, comme si je n'étais pas tout à fait la bonne personne pour parler d'un tel spectacle. L'idée me vient alors que, puisque la compagnie a laissé une si grande place durant son spectacle à la parole du public, il serait peut-être judicieux que j'en fasse de même... Après prise de contact, voici donc la parole de Valerio, en conclusion de la mienne.


JEANNE
Comme je l'ai perçu, votre spectacle Prélude et fin propose une sorte de traversée de plusieurs mémoires: la mémoire intime de l'enfance, la mémoire antique, avec les références à la tragédie grecque, et une forme de mémoire collective, esquissée par les prises de parole diverses des spectateur.ices lors d'un moment d'ouverture vers le public.

VALERIO
Oui, il est question de mémoire, en effet. Dans la pièce, Olga dit au début du spectacle: « je suis née quand l’Histoire avait commencé il y a très longtemps. Il y a toutes ces histoires qui ont été écrites dans le passé, mais qu’on rencontre dans notre présent… ». La mémoire peut, à travers le récit, voyager dans les temps. Les histoires sont comme des réserves de situations que potentiellement on peut rencontrer dans notre présent ou notre futur. Ce que la psychanalyse utilise d’ailleurs. Œdipe est une histoire qui appartient à l’Antiquité, toutefois il n'est pas impossible de se retrouver un jour dans une situation de vie qui rappelle ou fait écho a Œdipe.

JEANNE
Si cette présence ou absence d'une mémoire est, selon moi, inhérente à notre condition mortelle d'être humain, je me demande toutefois en quoi la mémoire peut-elle réellement jouer un rôle dans un processus de guérison ? En effet, lorsque vous entrez, vous-même et Olga Onrubia, dans un état d'hypnose, sous la direction de Pierre-André Grognuz, les récits que vous racontez semblent être majoritairement des souvenirs liés à l'enfance, ou en tout cas liés à un passé lointain. Comme vous évoquez, en début de représentation, que la genèse de ce spectacle remonte à l'époque du confinement et du COVID-19 et que les deux intervenants présents sur scène avec vous, Pierre-André Grognuz et Eric Périat, sont respectivement hypnothérapeute et practicien de la Gestalt-thérapie, je me sens encline à voir votre proposition scénique comme une sorte de processus artistique tendant vers le thérapeutique. Et donc, partant de ce constat, je me questionne sur la pertinence du ressassement d'une mémoire de l'enfance pour guérir l'adulte que nous sommes devenu.es ?

VALERIO
Je commencerai par inverser les mots que vous avez énoncé. Notre envie a été plutôt d’utiliser le processus thérapeutique pour une proposition artistique. Le spectacle n’est pas une thérapie. À aucun moment nous n'avons eu le souhait ou la prétention de proposer un processus de guérison.
Le thérapeutique et l’artistique (dans notre cas le théâtre) sont des mondes qui se sont toujours frôlés. Déjà dans l’antiquité, théâtre et rituels religieux étaient liés. Le théâtre antique d’Epidaure, dans le Péloponnèse, est entouré par le sanctuaire d’Asclépios, qui était un haut lieu de la médecine antique, un cimetière et divers temples. D’ailleurs, jusque dans les années 80, la plupart des hôpitaux psychiatriques abritaient un théâtre.
Je trouve qu’il y a un lien très fort dans les thérapies dites « psy » et le théâtre, car se sont deux manières de mettre en jeu, en mouvement, la parole. Pourtant, il y a un tabou. Dans les écoles de théâtre, on nous répète souvent « surtout pas de psychologie ». J’avais donc envie de créer un rapprochement entre ces deux univers si proches, mais en perpétuel conflit.

JEANNE
Le retour à l'enfance, par le biais de la mémoire, est une pratique controversée dans le milieu thérapeutique. C'est-à-dire que, s'il a été avéré par nombre psychologues que l'enfance est une étape primordiale dans la construction de notre psyché et un facteur plutôt déterminant sur nos comportements futurs, il n'a pas été démontré que la remémoration de nos souvenirs d'enfance pouvait avoir un réel effet de guérison sur nos troubles d'adultes. Et ceci, pour de multiples raisons, dont une, très simple: notre mémoire est fluide et faillible. Chaque remémoration est tout autant un processus authentique qu'un processus fictionnel. Et donc, c'est dans ce sens que je me questionne sur le sens d'une telle remémoration dans un processus thérapeutique et voudrais entendre votre avis sur cette question. Mais peut-être que votre intention était tout autre ?

VALERIO
Comme vous le disiez dans votre précédente remarque, ce projet a débuté durant la période de pandémie. Cette année là, j’avais 40 ans. J’ai donc expérimenté une double quarantaine, sanitaire et personnelle. 40 ans, le milieu de la vie, dit-on. J’étais confiné dans un vide qui, à ce moment-là, me semblait abyssal, quelque part à mi chemin entre le début de ma vie et celui de ma mort.
Le spectacle s’appelle Prélude et fin. Il est donc ici question d’interroger le début, voire l’avant-début, ce moment de la jeunesse où la personnalité se cristallise, et la fin, la mort. Entre les deux: le chemin de la vie.
Freud nous dit que l’humain peine à s’émanciper, car il est aspiré par les traumas de son passé. Jung, lui, nous raconte que nous sommes angoissés par la peur, car nous n’arrivons pas à apprivoiser notre déclin et notre mort.
Le spectacle est donc une sorte de métaphore, d’allégorie de cette situation de vie. Celle d’un « Être » plongé dans le vide, coincé entre un passé traumatisant et un futur angoissant. Cette vision rappelle beaucoup les héros de la tragédie antique, en proie à leur insupportable destinée.

JEANNE
À propos de ce que vous évoquiez plus haut, sur la psychologie dans le théâtre, peut-être vous ai-je mal compris mais je m'imagine que cela peut faire référence à un jeu qui soit trop "chargé", peut-être même trop empreint d'un lien réducteur entre les émotions que nous traversons dans la vie et leur traduction scénique. En ce qui me concerne, je ne suis pas contre un jeu qui soit complexe, psychologiquement parlant. J'ai d'ailleurs toujours apprécié de voir un comédien ou une comédienne qui pense sur scène, au sens où les pensées qui le ou la traversent me sont perceptibles, bien qu'inaccessibles. Ce qui peut me manquer, en revanche, c'est lorsque le corps est absent, qu'il a été évacué du travail scénique, et que les sensations physiques qui soutiennent parfois une pensée soient reléguées à un plan lointain. Je n'ai pas eu cette sensation devant votre spectacle. Au contraire, il me semblait que votre présence physique, votre énergie, étaient au diapason des mots que vous nous adressiez. Est-ce que le travail du corps est un élément conscient de votre pratique, ou serait-ce quelque chose de spécifique à cette création, peut-être en lien avec l'état d'hypnose que vous traversez lors de la représentation ?

VALERIO
C’est intéressant de parler du corps, dans un spectacle comme Prélude et fin, où il n’y a presque pas de corps. Mais oui, faire disparaître le corps, c’est aussi une façon d’en parler. Une des thématiques principales du spectacle est la « présence - absence ». Dans le spectacle, on parle de fantômes, de la présence insistante du passé dans notre présent. Les émotions, les angoisses sont elles aussi des sensations physiques, malgré leur immatérialité. L’hypnose y est aussi une présence absente. La mort aussi bien sûr.
Dans le spectacle, on ne bouge presque pas, mais on questionne en permanence le chemin de la vie. Barbara Schlittler ponctue d’ailleurs la pièce par des réflexions sur la marche: comment un corps se déplace dans un espace, mais aussi comment un espace résonne dans un corps.

JEANNE
À propos de l'état d'hypnose, je serais intéressée de savoir dans quelle mesure cette partie du spectacle est réalisée en pleine conscience. Seriez-vous d'accord de partager les sensations éprouvées et à quel point il vous est possible de ne pas vous perdre dans la dramaturgie préétablie ?

VALERIO
Cette question est revenue presque tous les jours ! Beaucoup ont d’ailleurs pensé que nous faisions semblant d’être en état d’hypnose. Non, on ne fait pas semblant. On entre vraiment en transe hypnotique.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’importance de l’hypnose dans le processus créatif de ce spectacle... En tous cas, il est important de savoir qu’on ne perd pas connaissance durant l’état hypnotique. Notre conscience reste éveillée. On peut donc sans problèmes, jouer, réciter un texte, faire de la musique, danser, etc.
Ce qui est intéressant, lorsqu'on joue en état d’hypnose, c’est qu’on ressent une sorte de désinhibition. La petite voix qui nous accompagne toujours, qui nous surveille, qui nous dit si c’était bien ou pas, qui commente nos actions, disparaît. On a une meilleure connexion entre nos émotions et notre pensée. On ressent beaucoup plus. C’est très intéressant comme acteur.ice d’explorer cet état.




Merci à Valerio, et au reste de la compagnie, d'avoir bien voulu entrer dans cet espace.


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